Il avait fallu beaucoup de temps avant de me rendre compte que j’avais réussie sans le savoir, à bloquer cette circulation émotionnelle qu’est l’amour, et que c’était à cause de ce que j’avais toujours appris. Ce que j’essaie de dire maladroitement, c’est que j’avais toujours pensé qu’il fallait parler de ses atouts, mais je l’ai bien appris à mes dépends, que ce qui a tué mon amour, était le contrôle. Le contrôle de mon image, le contrôle de ce que j’avais voulu révéler de moi-même. J’étais ce gars sérieux, qui essayait se montrer intelligent mais aussi sympathique, un peu bohème, voulant montrer ô combien sa vie est éclectique, ô combien ses activités sont originales, et puis parler de ses voyages. Il s’est passé que, quand j’ai voulu me montrer sous mon meilleur jour, quand j’ai eu envie de susciter l’admiration, je n’avais fait que bloquer, sans le savoir, la circulation des émotions, mes émotions et celles de l’autre.
J’avais un curseur avec l’étendue de ma personnalité : A un extrême, j’avais mis toutes mes sources de joie : ce qui m’animait, ce qui me faisait réveiller le matin, ce qui me rendait très joyeux, et dans l’autre extrême, j’avais mis ce qui, dans mon parcours, constituait mes épreuves mais aussi mes doutes, mes questionnements. Plus j’avançais en âge, plus j’avais tendance à placer mon curseur au centre. Ce que je faisais, mes lectures, mes sorties, mes voyages. J’avais envie de me rassurer, mais c’était le contraire qu’il fallait faire…
il ne s’agissait pas d’introspection, d’analyse, de compréhension de soi et de ses attentes, mais plutôt d’accueil,d’ouverture, de réceptivité totale. Je ne m’étais ni laisser surprendre par une personnalité, ni me laisser emporter, je n’avais fait qu’écouter cette petite voix qui juge, qui me disait que cette personne-là ne correspond pas à mes exigences, alors qu’il suffisait que je me remettes dans l’état d’un adolescent, avec ses émotions, ses humeurs, et cette activité un peu cyclotomique de ses humeurs, l’état d’un adolescent qui sort d’une période de repli sur soi, et qui s’ouvre au monde, tout en réceptivité sur autrui. Il suffisait de me poser des questions, des questions sur mes moteurs de vie, sur ce qui m’avait animé, sur ce qui m’avait rendu joyeux, sur peut-être un parcours difficile, le regard que j’avais posé sur cette expérience-là. C’était la seule manière d’aller exprimer ce que j’avais au fond de moi-même, la seule manière pour libérer et mettre en place ce pont d’échange qui allait permettre aux émotions de circuler, car nous ne tombons pas amoureux de quelqu’un, pour ce qu’il fait, ou comment il le fait, mais pourquoi il le fait.
Quand je croisais quelqu’un, je ne captais que 10% de sa personnalité. Parce que je n’avais jamais établis vraiment un pont d’échange où les émotions circulaient, c’est qu’après alors, que je pouvais recevoir 100% de la personne. J’ai appris que même en couple, rien n’était jamais acquis, qu’il fallait aller retoucher régulièrement ce qui m’émeut en l’autre, que je ne devais jamais perdre cette connexion avec l’autre, que même si j’évoluais, ou que l’autre le faisait, ce n’était pas si grave ! que grâce aux échanges, je pouvais me connecter régulièrement sur ce qui me fait vibrer, sur ce qui me rend sensible, c’est à ce moment-là que l’autre touchait ma vulnérabilité et inversement. La vulnérabilité, ça n’a rien à voir avec les faiblesses. La vulnérabilité, c’est ce qui est sensible, les doutes, les questionnements.
J’ai aussi appris, que c’était facile d’aller accepter l’idée de la différence de l’autre, que le stade « je m’irrite des différences » n’avait aucun effet dès lors que c’était l’amour avec un grand A, que tant que je me livrais sincèrement, il était facile d’accepter l’altérité de l’autre, que l’autre était une invitation à aller réveiller en moi cette part peut-être que mon éducation a enfouie, a étouffée, une invitation à aller révéler des couleurs, d’autres couleurs de ma personnalité. Mais j’ai surtout appris que nous nous séparons souvent pour les mêmes raisons pour lesquelles nous nous sommes aimé.