Breaker

Qui êtes-vous?

« Qui êtes-vous ? ». qu’est-ce que je pourrais répondre ? Peut-être en donnant mon nom, mais mes parents auraient pu choisir un autre prénom, aurais-je été un autre pour autant ? je pouvais me définir aussi par ma profession, mais j’aurais pu choisir un autre métier, serais-je quelqu’un d’autre pour autant ? Me définir par une qualité peut-être, mais mon voisin a peut-être les mêmes qualités, tout en étant une autre personne, n’est-ce pas ? Je ne pourrais même pas me définir par mes gènes, parce que si j’avais un frère jumeau, il aurait exactement le même patrimoine génétique que moi, tout en étant une autre personne. Alors, qui suis-je ?

Quand j’avais 23 ans, je me suis retrouvé, mon bac +5 en poche, propulsé au sein d’une grande direction informatique d’une grande entreprise. Aujourd’hui, à 28 ans, je suis le fondateur et le gérant d’une petite structure, mais voyez-vous, vous ne lisez ici que les succès. La vérité, c’est que j’ai connu dans ma vie beaucoup plus d’échecs et même d’humiliations, que de succès. Et paradoxalement,  ce sont ces échecs et ces humiliations qui m’ont sauvé la vie. Ils m’ont aidé à savoir qui je suis.

Ce qui s’est produit, c’est qu’au sein de cette fameuse entreprise, j’ai réalisé subitement que je m’étais fourvoyé dans une voie qui n’était pas la mienne, et, partant de là, je suis allé d’échec en échec, de poste en poste. J’ai erré pendant des semaines jusqu’à finir par me faire licencier – quand on n’aime pas ce qu’on fait, on n’est pas très bon -.  Je me suis retrouvé au chômage, avec tellement de honte que je l’ai caché à tous mes amis, et je l’ai même caché à ma famille. Je ne savais plus quoi faire de ma vie, j’ai fait une dépression, j’ai prix 10 kg. Mon métier m’avait échappé et mon corps semblait m’échapper aussi.

Vous vous demandez peut-être pourquoi je vous raconte ça. Car c’est difficile pour beaucoup d’entre nous de savoir qui on est et bizarrement, moins on sait qui on est et plus on a envie d’exister. Alors, on s’accroche à tout ce qui peut nous valoriser : les images, les apparences, les rôles. On peut s’accrocher à son rôle professionnel et tenter de s’identifier à son métier, d’exister à travers son métier. Aujourd’hui, je suis entrepreneur, je pourrais essayer d’exister à travers ce métier, mais je jouerais un rôle d’entrepreneur, à adopter des attitudes d’entrepreneur, un look d’entrepreneur. Le problème, c’est que si j’allais dans cette direction, je m’enfermerais dans une représentation de moi-même qui m’éloignerait de qui je suis, parce que qui je suis va bien au-delà de mon simple métier d’entrepreneur. Qui vous êtes va bien au-delà de votre métier. On peut s’accrocher à son apparence physique, surtout chez les femmes et hommes dotés d’un physique avantageux, qui peuvent à ce moment-là chercher à exister à travers leur beauté, avec comme sentiment que leur valeur repose sur leur beauté, alors qu’elle n’est qu’un attribut. La vérité est que votre valeur va bien au-delà de votre beauté. On peut s’identifier aussi à son intelligence, sa culture, ses idées, et tenter d’exister à travers ses propos, et à ce moment-là, on se sent plutôt amoindri lorsque quelqu’un vous contredit. On peut aussi s’accrocher à ses possessions et croire que notre valeur découle de ce que nous avons, des choses que nous avons : notre voiture, notre maison, un téléphone portable, un sac à main, et là, on se sent amoindri en présence d’une personne qui a une plus belle voiture, une plus belle maison, un plus beau sac, un plus beau téléphone.

Le soucis, par rapport à toutes ces fausses représentations de soi-même, c’est qu’elles nous éloignent de qui on est, et, d’une certaine façon, on risque de se perdre à travers ces fausses représentations. Quand j’étais en dépression, j’avais perdu, mais naturellement et par la force des choses, toutes ces représentations, et je le vivais comme le problème. Je ne pouvais me raccrocher à rien puisque tout se dérobait sous mes pieds. Et il s’est passé un phénomène étonnant : quand je me suis retrouvé nu, sans plus rien de valorisant à quoi me raccrocher -plus d’existence professionnelle, plus de voiture-, j’ai réalisé que j’existais toujours, mieux encore, il y’a eu des choses qui ont émergé en moi. Je me suis mis à ressentir des envies de ce que j’avais envie de faire dans la vie. Non plus des choses valorisantes, mais des choses que mon cœur me poussait à suivre. A partir de là, tout a été simple dans ma vie. A partir du moment où j’ai cessé de jouer un rôle, de chercher à me valoriser, les portes se sont ouvertes comme par magie.

Ce qui peut arriver de plus beau, de plus précieux, dans la vie, c’est de réaliser que nous sommes autre chose que de fausses identités, et renoncer à nous valoriser à travers elles. Alors, nous ressentirons peut-être à cette idée une espèce de vertige, de peur du vide mais la vérité est à l’opposé. Parce que nous existerons enfin pour ce que nous sommes réellement. Et ce que nous sommes réellement est infiniment plus grand, plus beau, plus profond, que tout ce à quoi nous avons pu nous accrocher jusque-là. Notre simple présence est d’une grande valeur et n’a pas besoin d’être enjolivée d’une façon ou d’une autre. La société de consommation veut faire croire qu’il nous manque quelque chose, mais la vérité est que non. Nous sommes complet. Et en lâchant prise sur ces fausses identités,  des choses vont émerger, ce que nous voulons faire de votre vie, et cette fois-ci, ce sera non plus des désirs inculqués par la publicité, mais des envies véritables qui viennent du plus profond de nous-même.

Avec le recul, finalement, ce que j’en retire, c’est qu’il n’y a pas un seul chemin vers la découverte de soi-même. Passer de la peur de ne pas être reconnu, de ne pas exister, à la confiance en soi, à la confiance dans la vie. Cette confiance, on la trouve quand on apprend à s’aimer véritablement, quand on apprend à aimer ce que l’on est quand on est nu. A ce moment-là, on n’a pas plus besoin de revêtir une image ou d’endosser un rôle. Cette confiance, on la trouve aussi quand on apprend à accepter l’échec. C’est pas dans notre culture. En Occident, on a tendance à vouloir réussir tout à tout prix. Mais quand on accepte ses failles, ses faiblesses, ses fragilités, petit à petit, ça nous aide à trouver le bon endroit pour nous, à trouver notre place. L’échec, permet d’expérimenter la vie, alors que la réussite pousse à s’identifier au succès et donc à nous perdre. La confiance en la vie, quant à elle, on la trouve en s’exerçant à la gratitude, en cultivant un ressenti de gratitude. Dans notre pays, on a plutôt tendance à râler contre les événements, à être déçu de ce qui ne va pas dans notre vie, mais si nous prenons l’habitude de mettre notre attention sur ce qui nous arrive de bien, même si c’est quelques instants chaque jour – donc malgré les difficultés, malgré nos problèmes -, si nous mettons notre attention sur ce qui nous arrive de bien, nous allons ouvrir notre esprit à ce qui vient, notre cœur à ce que la vie va nous offrir. Et une fois que cette confiance est atteinte, nous devenons libre. Libre du regard des autres, libre d’agir en son âme et conscience et il se passe alors un phénomène assez étonnant, c’est qu’on s’intéresse moins à sa personne car au final, nous nous sommes connecté à quelque chose de plus grand que soi.

Alors allez à la rencontre de votre propre chemin, allez dans cette direction, parce que c’est à ce moment-là que la vie prend son véritable sens.

Theo Imad Ladal

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